Max-Pol Fouchet

25 août 2008 0 Par Julien Maudoux

« De quoi saignes-tu, dis-le, ma nuit profonde ? »1

Max-Pol Fouchet. A l’origine, une tragédie. Jeanne, sa femme, décède lors du naufrage du Lamoricière, en 1942. Max-Pol Fouchet l’avait pressenti, au moment du départ : ce funeste signal, le nom du navire qui soudain s’entènèbre, les lettres qui se reforment, et le poète qui lit : « La mort ici erre »… 

Puis, un courage, une force, de ce « marié à la poésie », qui n’a eu de cesse de donner

Une oeuvre poétique, tout d’abord : mystérieuse et profonde. Belle? Le mot ne suffit pas, ne correspond pas vraiment à ce qui nous touche, lorsque nous lisons ces poèmes. Il y a, comme toujours, cette insuffisance du discours prosaïque à bien parler de la poésie, qui niche dans une autre aire du langage… Mais pourquoi errer, pourquoi chercher à caractériser celle de Max-Pol Fouchet, alors qu’il suffit de lire le titre de son grand recueil, Demeure le secret, pour en entrevoir la quintessence? Et commencer à comprendre – et cet élément est au coeur de l’oeuvre de Max-Pol Fouchet, mais aussi d’autres – que « démontrer [le secret des oeuvres] serait les dépouiller de leur mystère, et du même coup les anéantir »2.

Poésie, d’un homme blessé au coeur, mais qui tient ferme :

« puisque tu es seul,
prends pour énergie
la solitude »3

Poésie qui devient hymnique lorsqu’il s’agit d’évoquer « la Seule », poésie qui alors me paraît inégalée, malgré ce que d’autres ont pu écrire sur le même « sujet » – la liberté. Il me faut résister – c’est dur – à la tentation qui me prend de citer ici l’intégralité de certains poèmes ; heureusement, la poésie se passe bien de copyright, une fois qu’elle s’est inscrite en nous. Cet extrait, pour mesurer ce qui n’est pas que talent, ce qui est bien plus. Vers à porter en soi, et avec soi, au plus profond.

« De toi je n’ai su que l’écume et les vagues
Comment t’aurais-je connue
Tu étais la figure de proue

[…]

Je t’ai trop désirée pour savoir te nommer »4

Une oeuvre, aussi, au service de la poésie et de la culture : à la radio, à la télévision surtout, où Max-Pol Fouchet a été l’un des premiers, dans, entre autres, Lectures pour tous, Fil de la vie, Terre des arts, à porter la culture, l’art ; et également un engagement perséverant, une volonté de liberté, au service de causes qu’il savait justes. Il a toujours considéré ces activités comme essentielles : son beau souhait était « que l’université […] fût large, qu’elle s’étendit à la foule, au peuple. C’est pourquoi j’ai tant donné de moi-même à la télévision ».5

Un humaniste voyageur, enfin, qui, par des photographies et des textes magnifiques, a voulu montrer et dire l’Homme, et, à travers lui, un espoir. Un humaniste, qui a observé, qui a senti les travers de l’époque, les mauvais pas à venir, mais en face desquels il a toujours opposé l’amour du langage, sa profession de foi. « Le pire laxisme commence par l’inattention au verbe écrit ou parlé »6, a-t-il écrit. Le verbe? En vrai poète, en homme, il en a toujours été le porteur-en-avant. Que ce soit depuis les studios de l’ORTF ou lorsqu’il allait au Portugal, en Inde, au Pérou, en Afrique, quittant ses amis « pour les retrouver ailleurs, pour nous retrouver tous, au fond d’une diversité qui n’est qu’apparence »7.

*

Plus distante, plus oubliée, mais toujours aussi forte ; entretenue par tous ceux qui voient en Max-Pol Fouchet un grand « passeur de rêves » ; aujourd’hui sa voix parvient, encore, jusqu’à nous…

L’intégralité (ou presque) de la création poétique que Max-Pol Fouchet revendiquait constitue le recueil Demeure le secret, présenté par Marie-Claire Bancquart, aux éditions Actes Sud (le recueil a été récemment (mars 2008) réédité, pour notre plus grand bonheur).

Je recommande la lecture de Max-Pol Fouchet ou le passeur de rêves, très bel ouvrage où cohabitent textes et photographies de Max-Pol Fouchet, hommages de ses amis et photographies de Jean-Pol Stercq. Idéal pour découvrir la richesse de l’oeuvre et de l’homme. Publié par Le Castor Astral sous la conduite de Guy Rouquet (président de l’Atelier Imaginaire, à qui je dédie ce bref article en souvenir de Journées Magiques qui m’ont fait découvrir non seulement Max-Pol Fouchet, mais tant d’autres poètes…).

Deux liens indispensables pour en savoir plus sur Max-Pol Fouchet :

Pour finir, je conseille – mais cela va de soi – la lecture de l’ensemble de l’oeuvre…


Notes

1 – « Tristesse du Minotaure », Héraklès

2 – « Demeure le secret », passage extrait de Fontaines de mes jours, Max-Pol Fouchet ou le passeur de rêves, p.247-248. Pages importantes, à lire, notamment l’anecdote des jumping beans et l’allusion à la Leçon d’autonomie.

3 – « Le sanglier d’Érymanthe », Héraklès

4 – « I », Hymnes à la seule

5 – « Radioscopie du 16 novembre 1979 » (France Inter), reprise dans Max-Pol Fouchet ou le passeur de rêves, p.184

6 – « Le muscle des goûteurs de style », passage extrait de Fontaines de mes jours, Max-Pol Fouchet ou le passeur de rêves, p.237

7 – « Notre diversité n’est qu’apparence », passage extrait de Fontaines de mes jours, Max-Pol Fouchet ou le passeur de rêves, p.239